Date d’exposition : 2-9 mai
Emprise, 22 cours Franklin Roosevelt, 13001 Marseille

«  Il y a dix ans j’avais réalisé l’experience suivante et elle m’avait marqué: ayant collé une surface obstructive sur un miroir, m’y regardant et n’y trouvant pas mon visage mon attention se porta dans une zone inconnue, sombre et chaude quelque part à l’arrière de mon crâne. 

Un dessin ‘oublié’ traine dans l’atelier, il s’agit d’un projet d’envergure… Une personne de petite taille se regarde dans un miroir, ce qui l’entoure s’adresse à l’espace alors qu’elle semble absorbée par son image. Il s’agit d’un assemblage de type architectural; il y a des lignes droites, des surfaces, un miroir, du solide et du plus mou, une forme sculpturale suspendue, des mots sont inscrits au sol. Le personnage donne l’échelle du projet. Pour re-construire la scène à grande échelle je choisis des matériaux communs : toile de lin, peinture, carton, cable et tendeurs, des vis de la colle et des clous et un miroir. La peinture-machine Panopticon conçue d’après le diagramme de surveillance « voir et ne pas être vu » est réactivée, sur une toile grise un visage anxieux nous observe de haut, au sol un miroir repose sur un lit de sel faisant écho à l’installation Leaning Mirror de Robert Smithson à Dia Beacon. Le tableau Block of memory présente la superposition de quatre surfaces, faites de matériaux de nature et de modes d’action différents. Les surfaces ne sont pas entièrement visibles, métaphore des souvenirs partiellement révélés. La forme du miroir sert d’intermédiaire entre le bloc et le monde et reflète ce qui se trouve devant le bloc : le spectateur, l’espace de la galerie et nos souvenirs partagés.

Dans cette exposition qui rassemble des oeuvres nouvelles et d’autres plus anciennes le miroir est utilisé, non comme c’est sa fonction traditionnelle, pour donner à voir, mais bien plutôt pour perturber, sinon interdire, la vision : il y a le miroir gouffre, celui qui surveille, ceux qui obstruent… Elément crucial dans la logique d’organisation des oeuvres le miroir est rendu « non-narcissique » au profit de l’oeuvre et de l’espace dans lequel elle se déploie. Le travail interroge la nature de l’objet, qui, dans un sens, est à la fois le miroir physique et le reflet : le miroir comme concept et abstraction. Le miroir, médiateur spatiale et philosophique occasionne une distance entre l’oeuvre et le spectateur, le temps de reconstruire ce qui a été dé-construit, y compris nos certitudes d’une perception sensorielle qui serait vérité.

Dans mon travail la configuration de la surface « assemblée » suit un système abstrait ne reflétant que lui même, c’est pour ainsi dire une machine aveugle et silencieuse qui est néanmoins à l’origine du discours. A travers leurs miroirs les oeuvres semblent nous observer autant que nous les observons et j’aime à imaginer qu’elles emmagasinent nos passages dans leur mémoire » Lorraine Thomas